Par Klara Smitts, ACP-IDN
Bruxelles, 3 juin 2017/ ACP- IDN/ ACP : Le 2 juin, le Groupe des Etats d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique a commémoré à Bruxelles la Journée ACP, en réfléchissant sur le « partenariat au développement » avec l’Union européenne (UE) qu'il a décrit comme « une expérience multidimensionnelle et transformative ».
Cette question, qui a fait l’objet de discussions au sein de deux panels de discussion, est traitée de façon plus détaillée dans le livre intitulé « The ACP Group and the EU Development Partnership: Beyond the North-South Debate » (Le partenariat au développement entre le Groupe ACP et l’UE : au-delà du débat Nord-Sud), qui a été lancé à l’occasion de la journée ACP. Ce livre fait une évaluation systématique et critique de la nature, de l’évolution et des perspectives du partenariat au développement en vigueur entre les 79 membres du Groupe des Etats d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (Groupe ACP) et les 28 membres de l’Union européenne (UE).
Comme l’ont fait les auteurs dans leur livre, les deux panels ont examiné, le 2 juin, l’histoire du partenariat ACP-UE depuis 1975 ; la relation entre l’UE et chaque région ACP pris séparément, à savoir l’Afrique, les Caraïbes et le Pacifique ; les expériences ACP concernant les accords de partenariat économique conclus avec l’UE ; et les nouveaux enjeux politiques, en particulier la sécurité, la migration et les diasporas.
Cependant, comme l’a relevé le Secrétaire général ACP, S.E. Dr. Patrick I. Gomes, même s’il convient de réfléchir sur le passé, il est important d’envisager l’avenir du Groupe, compte tenu en particulier du fait que l’Accord de Cotonou – traité juridiquement contraignant qui fonde le cadre de la coopération ACP-UE – arrivera à échéance en 2020. Cette situation soulève des questions concernant les principaux thèmes et les points d’achoppement pour les négociations qui vont commencer l’année prochaine.
De nombreuses évolutions se sont produites sur la scène mondiale depuis la création, en 1975, du Groupe ACP, qui comptait à l‘origine 46 Etats membres. Aujourd’hui, en 2017, fort de 79 Etats membres, le Groupe doit revoir certaines questions fondamentales ainsi que sa structure, dans un monde en constante mutation. Le changement climatique, le commerce et l’investissement, le Brexit et la migration font partie des défis à relever dans le cadre d’un nouvel accord ACP-UE.
Cela signifie qu’il conviendra de réévaluer la relation entre les deux parties , en particulier en termes d’équilibre ou quant à savoir qui doit assurer le rôle de « pilote » dans cette relation. Un consensus n’a pu être atteint à cet égard, mais il a été convenu que la réponse ne réside pas dans le vieux système de relation donateur-bénéficiaire.
« Le Groupe ACP est à la croisée des chemins », a déclaré l’Ambassadeur Edwin Laurent, du Ramphal Institute. Le Groupe des 79 pays ACP peut « se muer en acteur pertinent ou perdre sa raison d’être ». L’un des défis majeurs pour le Groupe consistera à faire face aux conséquences de l’après-Brexit.
Selon l’Ambassadeur Laurent, la relation ACP-UE va subir d’énormes pressions à cause du Brexit. De plus, le Groupe ACP dispose d’une faible marge de manœuvre pour négocier avec le Royaume-Uni avant le lancement des négociations avec l’Union européenne, lorsque les pressions qui s’exerceront sur ce pays ne lui permettront pas de se pencher sur toute autre question.
Il s’agira aussi essentiellement de savoir comment les accords de partenariat économique (APE) conclus entre le Groupe ACP et l’UE seront mis en œuvre dans la pratique.
La migration est une autre préoccupation qui figurera en bonne place dans les priorités de l’UE. Selon Mme Anna Knoll, chef du Programme Migration au Centre européen de gestion des politiques de développement (ECDPM), un nouvel accord doit « aller au-delà de la question du retour et de la réadmission » afin de permettre aux parties de d’identifier les défis communs.
Comme l’a souligné un représentant de la Jamaïque évoquant les conséquences de la fuite des cerveaux dans son pays, la migration ne s’opère pas seulement vers l’Europe, mais aussi dans l’autre sens. Pour sa part, l’Ambassadeur de la Namibie, S.E. Kaire Mbuendor, a déclaré que le développement devrait faire partie du débat sur la migration. Le vieux mode de relations donateur-bénéficiaire ne permettra pas de résoudre les problèmes qui préoccupent l’Europe.
Des questions ont été également soulevées en ce qui concerne la paix et la sécurité dans les pays ACP, en particulier sur le continent africain ainsi que le rôle le cas échéant – que l’UE devrait jouer à cet égard. « Il est crucial de résoudre tous les conflits existants si nous voulons nous engager pleinement sur la trajectoire de la croissance et du développement dans nos pays », a affirmé l’Ambassadeur de l’Afrique du Sud, S.E Baso Sangqu.
Cependant, le Professeur Adekeye Adebajo, Directeur de l’Institute of Pan-African Thought and Conversation de l’Université de Johannesburg (Afrique du Sud) s’est montré à la fois sceptique et critique quant à la capacité de l’UE à apporter une aide en la matière, soulignant les missions de maintien de la paix discutables que cette dernière a menées sur le continent.
Les négociations en vue d’un nouvel accord ACP-UE vont certainement couvrir le commerce. L’Ambassadeur du Botswana, S.E. Samuel Outlule, a fait observer à ce sujet que si les pays ACP disposent de nombreuses ressources, ils ne sont pas encore parvenus à transformer celles-ci sur leur territoire, ajoutant que très peu de progrès ont été réalisés en matière d’investissements. Pour cette raison, un des rôles du Groupe ACP devrait consister à promouvoir le commerce et l’investissement au niveau intra-ACP.
Selon l’Ambassadeur Laurent, le régionalisme est susceptible de miner la cohésion du Groupe ACP. Celui-ci peut maintenir son existence et devenir assurément un partenaire efficace sur la scène internationale, a-t-il indiqué, ajoutant que : « Ce sont nos actions qui détermineront si les moments que nous traversons actuellement se traduiront par une transformation de l’architecture des relations internationales entre les pays ».
Qu’est-ce que l’UE attend du nouvel accord ? Selon Klaus Rudischhauser, Directeur général adjoint de la DG Coopération internationale et développement de la Commission européenne, l’UE préfère un accord unique et contraignant, fondé sur le partenariat et une vision commune. Il espère que davantage de progrès pourra être accompli afin de parvenir à des points de convergence avant que le mandat officiel des négociations ne soit communiqué aux Etats membres de l’UE dans les six prochains mois.
Comme l’a exprimé, pour sa part, S.E. Dr. Gomes, Secrétaire général ACP, le Groupe ACP veut un nouvel accord qui ne porte pas sur l’aide, mais plutôt sur la coopération financière, le partenariat et le développement. Celle-ci inclut également la connaissance et les transferts de technologie, ainsi qu’un volet politique. Pour cette raison, l’accord devra être multidimensionnel et transformatif, et bénéficier aux deux parties en termes de développement économique et de partenariat politique.
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Photo (de gauche à droite) : l’Ambassadeur Samuel Outlule (Botswana) ; le Professeur Adekeye Adebajo de l’Université de Johannesburg (Afrique du Sud) ; Mme Anna Knoll, chef du Programme Migration au Centre européen de gestion des politiques de développement (ECDPM) ; le Secrétaire général du Groupe ACP, S.E. Dr Patrick I. GOMES ; M. Klaus Rudischhauser, Directeur général adjoint de la DG DEVCO ; l’Ambassadeur Edwin Laurent, Directeur du Ramphal Institute; l’Ambassadeur Baso Sangqu (Afrique du Sud) . Source : ACP
Pour acheter une version électronique du livre, cliquez ici : Annita Montoute et Kudrat Virk (rédacteurs), The ACP Group and the EU Development Partnership: Beyond the North-South Debate (Palgrave Macmillan, 2017).
Note : Ce rapport fait partie d’un projet commun du Secrétariat du Groupe des Etats ACP et de l’IDN, organe phare du syndicat international de la presse.