Le «Pavillon des Lettres d’Afrique» s’est fixé pour objectif d’assurer la visibilité de la littérature africaine lors des grands événements internationaux. Après le succès du Pavillon lancé au Salon du livre de Paris en 2017, cette initiative de l’Agence culturelle africaine (ACA) fait boule de neige et multiplie les espaces de promotion en Europe et en Afrique.

Le Secrétariat ACP, résolument engagé à développer la coopération sud sud et à faciliter la circulation des biens, des services et des personnes dans les pays ACP, accompagne cette initiative en encourageant sa promotrice, Mme Aminata Diop Johnson, à l’ouvrir davantage aux auteurs et éditeurs des Caraïbes et du Pacifique.

M. Léonard-Emile Ognimba, Sous-Secrétaire général du Groupe des Etats ACP, a remis dimanche 18 mars le Prix ACP 2018 aux 3 lauréats suivants:

– Afrique: Ali Zamir (Comores) pour son 2ème roman «Mon étincelle»

– Caraïbes: Martine Fidèle (Haïti) et le collectif des «Ecorchées vivantes»

– Pacifique: Lani Wendt Young (Samoa) pour «Telesa Series» et son blog «Sleepless in Samoa»

AFRIQUE

Ali Zamir – «Mon étincelle» (Comores)

C’est bien de créativité dont il est question dans ce roman publié aux éditions du Tripode.

Ali Zamir est né sur l’Ile d’Anjouan en 1987. Comme le dit l’adage, la valeur n’attend pas le nombre des années. Ali Zamir s’était déjà illustré avec «Anguille sous roche», un roman engagé dans lequel l’auteur donnait la parole à une jeune migrante embarquée dans une traversée tragique en plein océan indien. Un roman unanimement salué par la critique.

Dans ce deuxième roman, c’est encore une héroïne, Etincelle, qui se trouve dans l’urgence de parler. Coincée dans un avion sur le point de s’écraser entre deux îles des Comores, Etincelle nous embarque dans un récit entre la vie et la mort, entre le conte et la réalité, entre elle, sa mère et l’amour comme puissant lien.

On est happé par la langue d’Ali Zamir, par ce jaillissement inventif et métissé. Etincelle, Douceur, Douleur, Efferalgan, Dafalgan, Vitamine, Calcium…, des personnages truculents qui nous ouvrent les portes d’un monde insulaire, merveilleux et tragique à la fois.

CARAIBES

Martine Fidèle et le collectif des «Ecorchées vivantes»

L’union fait la force. C’est ce que prouve encore une fois le collectif de femmes que nous récompensons aujourd’hui. C’est un sacré coup que, depuis les Caraïbes, nous porte le collectif d’Ecorchées vivantes. Un coup que la belle et pertinente maison d’édition «Mémoire d’encrier» dirigée par Rodney Saint Eloi relaie avec force. Nous ne pouvions que recevoir en plein cœur cet uppercut tant il est fort, tant il est courageux, tant il est juste, tant il est neuf aussi. Les 9 femmes ont écrit sous la direction de la talentueuse comédienne et auteure Martine Fidèle.

Martine Fidèle est née à Haïti. Elle est déjà connue du haut de ses 28 ans pour sa liberté de ton et ses 3 ouvrages dont «Double corps». Elle a coordonné ce recueil de nouvelles qui bouleversent, dérangent, fascinent et à travers la violence sèment les mots qui enfin dits, ou plutôt hurlés, crachés, finiront par semer, nous en sommes certains, les graines de la compréhension et de la guérison. Martine Fidèle écrit dans sa préface que ces femmes veulent le réveil des consciences: puisqu’elles ont déjà tant subi, elles n’ont peur d’aborder aucun tabou: viol, inceste, prostitution, folie. Elles bousculent et revendiquent leur créativité, leur dignité, leur liberté. Notre liberté à tous puisqu’elles espèrent un «nouveau soleil».

Yannick Lahens, qui a préfacé ce recueil, ne s’y trompe pas: c’est d’une «esthétique militante» qu’il s’agit. Et c’est cette force novatrice, «écorchée» mais bien «vivante», que le Groupe des Etats ACP a voulu distinguer.

PACIFIQUE

Lani Wendt Young (Samoa)

Lani Wendt Young est une jeune femme aux talents multiples, à la fois auteure, journaliste et bloggeuse. A travers elle, nous avons voulu saluer le courage: la jeune journaliste du Samoa Planet dénonce en effet sans langue de bois les tergiversations des grandes puissances si lentes à adopter les mesures urgentes pour faire face au dérèglement climatique.

A travers elle, nous avons voulu saluer l’inventivité de la jeunesse capable d’explorer les possibilités d’Internet pour se faire connaître, se faire éditer, communiquer, échanger, faire évoluer les regards, ébranler les positions. Sur son blog «Sleepless in Samoa» mais aussi sur d’autres médias en ligne, Lani Wendt Young partage avec une fraîcheur salutaire toutes ses expériences et son aventure dans l’autoédition, encourage les jeunes écrivains à se lancer.

A travers elle, nous avons voulu saluer l’auteure de séries populaires qui amène à la lecture un jeune public à qui elle démontre que les schémas des romances mondialement connues peuvent parfaitement se décliner avec les légendes du Pacifique. Dans son recueil de nouvelles «Afakasi Women», Lani Wendt Young explore les différentes facettes de la culture samoane, l’importance de la famille élargie, la place du voisinage, tout en mettant en évidence la ressemblance des «serpents», qui, dans toutes les sociétés et sous toutes les latitudes, enserrent les individus, et en particulier les femmes, dans des rôles étouffants, des structures sociales envahissantes. Mais Lani est comme l’une de ses héroïnes, la «sœur jumelle», celle qui survit, celle qui brise les silences. Elle est celle qui est capable de tuer le «serpent», celle qui insuffle en nous la confiance et l’espoir.