Interview de S.E. Fatumanava-o-Upolu III Dr Pa’olelei Luteru, Ambassadeur de Samoa, Président du Comité des Ambassadeurs de l’OEACP pour la période allant du 1er février 2021 au 31 juillet 2021.

Bruxelles, le 28 avril 2021/OEACP: Peu de gens peuvent se targuer d’avoir une expérience aussi riche et une connaissance aussi approfondie de l’Organisation des États d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (OEACP) que S.E. Fatumanava-o-Upolu III Dr Pa’olelei Luteru. Ancien Sous-secrétaire général responsable du département des Questions politiques et du Développement humain (de 2000 à 2005) au Secrétariat du Groupe des États d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP) d’alors, S.E. M. est revenu au sein de l’OEACP en avril 2012 en qualité d’Ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire de l’État indépendant de Samoa à Bruxelles. Depuis 2003, il a piloté au moins une douzaine de projets dans différents cadres. Il a notamment été le premier Président du Forum des petits États insulaires en développement (PEID), et présidé le groupe de travail sur la nomination du Secrétaire général, le groupe de travail sur la révision du Statut du personnel et du Règlement de travail du Secrétariat de l’OEACP, et le groupe de travail sur la rénovation du bâtiment ACP. Il a également été le négociateur principal pour le Protocole régional Pacifique.

Le 1er février 2021, l’Ambassadeur Luteru a repris, pour la deuxième fois, les rênes du Comité des ambassadeurs de l’OEACP, sous la présidence de la région Pacifique. Il a entamé son mandat à une étape critique de l’histoire de l’OEACP, alors que celle-ci s’apprêtait à boucler les négociations sur un accord post-Cotonou engagées en 2018, à entamer la mise en œuvre du programme de restructuration organisationnelle, et à finaliser la révision du Statut du personnel, autant d’activités auxquelles il a participé en tant que Président ou membre titulaire des structures compétentes.

L’attachée de presse du Secrétariat de l’OEACPa eu avec le Président du Comité des ambassadeurs un entretien qui a porté sur les priorités de son mandat, ses expériences, et ses points de vue sur les changements en cours au sein de l’Organisation.

Priorités de la présidence du Pacifique assurée par Samoa

Lors de la 935e réunion du Comité des ambassadeurs, la première qu’il a présidée, l’Ambassadeur Luteru a exposé les priorités de son mandat de six-mois, comme suit: faire en sorte que les dispositions requises soient prises à temps pour la signature et la ratification du nouvel Accord; la transition du Fonds européen de développement (FED) à l’Instrument de voisinage, de coopération au développement et de coopération internationale (IVCDCI); les investissements privés; la coopération internationale et le multilatéralisme; et l’examen et la rationalisation des méthodes de travail et des organes de l’OEACP. S’agissant du processus de relance dans les pays membres, le Président a souligné la nécessité d’adopter des mesures contre la Covid-19, et de maintenir la dynamique dans les domaines du changement climatique et de la gouvernance des océans.

En ce qui concerne le processus d’identification des priorités, l’Ambassadeur Luteru a insisté sur la nécessité d’assurer un équilibre en prenant en compte non seulement les priorités régionales, mais également celles de l’OEACP et de ses autres régions. Pour lui, le principal défi consiste à déterminer ce sur quoi il est possible d’agir, et ce que l’OEACP peut effectivement faire en tant qu’organisation internationale. Au sujet du changement climatique, il a déclaré : «Ces questions représentent des enjeux publics planétaires, pas seulement des préoccupations de l’OEACP, et ce qu’il est important de comprendre, c’est que nous avons tous un rôle à jouer, et que nous devons tous apporter notre contribution. Nous devons dès lors nous unir afin d’atteindre les objectifs et d’obtenir les résultats que nous jugeons tous nécessaires. Il est essentiel que nous nous focalisions sur ce que nous pouvons faire.» Dans l’optique d’une collaboration plus efficace avec les partenaires mondiaux dans ces domaines, il préconise une approche légèrement différente: «De mon point de vue, il conviendrait de modifier légèrement l’approche, et dire: «Voici ce que moi je fais. Et vous, que pouvez-vous faire ?»

En ce qui concerne l’identification des priorités, l’Ambassadeur souligne l’importance de la consultation, non seulement au sein des régions, mais également avec les parties prenantes au sein et en dehors de l’OEACP. «Le fait de consulter et de recueillir d’autres points de vue et avis est extrêmement important» car, «en fin de compte, nous devons obtenir l’adhésion des populations, nous devons être inclusifs. Plus le nombre de personnes pouvant s’identifier aux enjeux et aux priorités que promouvons ou défendons est grand, plus, à mon avis, nous avons de chances de réussir.»

Un changement de mentalité est indispensable pour atteindre les objectifs prioritaires. «Si nous voulons des partenaires crédibles, nous devons nous poser la question suivante: pourquoi tel ou tel voudrait-il établir un partenariat avec nous?» En quelques mots, l’Ambassadeur Luteru, souligne la nécessité de changer la façon de voir les choses, de passer de la relation donneur-receveur qui existe d’aujourd’hui à une autre relation laissant une place plus grande à un échange stratégique, en sachant «ce que nous pouvons mettre sur la table et comment nous pouvons mieux tirer parti de cette relation.»

S’agissant des changements en cours au sein de l’OEACP, l’Ambassadeur Luteru souligne avec insistance la nécessité pour chacun de jouer son rôle : «Nous avons entamé un processus. C’est l’occasion pour nous de définir nos objectifs. Nous devons réfléchir à la façon d’organiser le Secrétariat de sorte qu’il soit à même de relever les défis auxquels nous serons confrontés au cours des années à venir.» Pour ce qui est de la restructuration, ajoute-t-il, «il est tout aussi important que les ambassadeurs se posent la question de savoir si les organes existants continueront d’être viables et pertinents. Ces organes doivent être évalués à la lumière de l’Accord de Georgetown révisé, des conclusions du 9e Sommet des Chefs d’État et de gouvernement de l’OEACP, et du contenu du nouvel Accord post-Cotonou, et nous devons rassembler tous ces éléments pour en faire un cadre pour l’émergence d’une Organisation adaptée à sa mission au cours des vingt prochaines années.»

«C’était un ambassadeur qui essayait toujours de faire du mieux qu’il pouvait.»

Cela fait maintenant plus de 15 ans que S.E. M. Luteru fait partie de l’OEACP, depuis l’époque où il travaillait au Secrétariat jusqu’au moment où il est devenu membre du Comité des ambassadeurs. Interrogé sur ce qu’il aimerait laisser comme héritage, il répond qu’il ne lui appartient pas d’en juger. L’important à ses yeux, «c’est faire de mon mieux au niveau de mon pays, de la région et de notre Organisation.» «Ce qui compte pour moi, c’est avoir le sentiment d’avoir contribué du mieux que j’ai pu, aussi petite soit cette contribution, au développement de mon pays, de ma région et de l’Organisation.»

Les défis pour l’avenir

Alors que l’OEACP se positionne pour les deux prochaines décennies, et où les pays du monde entier tentent de se reconstruire après la pandémie, S.E. M. Luteru considère que la lutte contre la COVID-19 est l’un des plus grands défis auxquels l’Organisation devra faire face. Pour lui, la question du vaccin ne doit pas être une question d’accessibilité financière. «Dans un monde interdépendant, nous sommes, en tant que communauté mondialisée, aussi forts que les plus faibles d’entre nous, et nous devons dès lors prendre soin les uns des autres car, à un moment ou à un autre, nous aurons besoin d’échanger avec les autres et nous ne pourrons pas rester dans notre petit coin.». Sur une note plus positive, il trouve que c’est une bonne chose que la pandémie se soit déclenchée avant la conclusion des négociations post-Cotonou, car cela a permis aux parties d’intégrer des stratégies pour la relance et les flexibilités requises pour le traitement de questions émergentes telles que les pandémies.

L’Ambassadeur Luteru est par ailleurs d’avis que l’OEACP doit jouer un rôle de premier plan dans les efforts visant à garantir l’accès aux vaccins, et tirer des enseignements des expériences d’autres pays qui se préparent à vacciner leurs populations. Certes, des efforts ont été déployés l’année dernière pour renforcer la coopération mondiale, notamment la tenue du Sommet intersessions extraordinaire des Chefs d’État et de gouvernement de l’OEACP, mais ils devront être poursuivis et renforcés.

Pour lui, le prochain défi sera celui du changement climatique, qui reste un problème, en particulier pour de nombreux Membres de l’OEACP.

Malgré ces défis, l’Ambassadeur Luteru est convaincu que même s’il faudra beaucoup de temps pour mener à bien certaines des actions requises, cela ne signifie pas que le processus ne doit pas être lancé, et qu’avec une bonne préparation, de la solidarité et un leadership adéquat, l’OEACP pourra non seulement regagner le terrain perdu à cause de la COVID-19, mais pourra aller encore plus loin. À cet égard, il espère qu’après avoir participé au processus, il pourra, au terme de son mandat, affirmer qu’il a pu laisser quelque chose en héritage, et qu’il a contribué à améliorer la capacité de l’Organisation à relever les défis auxquels sont confrontées les communautés dans ses pays membres, en particulier les catégories les plus vulnérables et les plus démunies de la société.