L'évènement qui nous réunit cet après-midi intervient au cours de l’importante année marquant le 40e anniversaire du Groupe des États d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP), institué par l'Accord de Georgetown le 6 juin 1975.

Pour cette organisation intergouvernementale unique en son genre, quatre décennies d'existence revêtent assurément un sens particulier. Il convient, à tout le moins, de rendre hommage à nos États membres, nos chefs d'État et de gouvernement, ministres, ambassadeurs, hauts fonctionnaires, ainsi qu’au personnel du Secrétariat ACP, qui ont servi fidèlement le Groupe pendant ces nombreuses années et continuent de le faire aujourd'hui. Grâce à la sagesse et aux efforts collectifs de tous les membres de la famille ACP, notre Groupe s’est agrandi en passant de 46 à 79 pays membres, et bientôt à 80, lorsque prendra fin le statut d'observateur dont bénéficie actuellement le Soudan du Sud.

Toutefois, la simple augmentation numérique, si importante soit-elle, ne sera pas suffisante au cours des 40 années à venir. Notre attention, notre énergie collective et notre engagement sans réserve doivent être résolument focalisés sur les cinq prochaines années de cette décennie, que s'apprête à entamer la nouvelle Direction du Secrétariat.

En me désignant comme Secrétaire général en décembre dernier, la 100e session du Conseil des ministres ACP m'a accordé l'immense honneur d'assumer une fonction exaltante. Pour remplir cette mission avec succès, il nous faudra disposer d’une équipe la plus compétente possible, expérimentée, pleinement engagée et fière de contribuer au mieux de ses capacités à la réalisation des objectifs stipulés dans l'Accord de Georgetown.

Permettez-moi, Monsieur le Président, de rappeler le contexte dans lequel a été créé le Groupe ACP ainsi que les piliers qui sous-tendent notre Organisation.

A la faveur du mouvement des non-alignés de l’époque, nos pères fondateurs ont formulé avec détermination et clairvoyance 15 objectifs, dont deux en particulier méritent d'être soulignés, à savoir:

· Promouvoir et renforcer l’unité et la solidarité entre les États ACP, ainsi que la compréhension entre les peuples; et

· Œuvrer à la promotion d’un nouvel ordre mondial plus juste et plus équitable.

Ces objectifs et ceux qui y sont liés demeurent pertinents et revêtent un caractère urgent face aux bouleversements du monde actuel, même si les moyens de leur mise en œuvre seront différents. La cohérence et la complémentarité des actions seront indispensables pour mener ces objectifs à bien.

Je demeure convaincu que, dans l'élaboration des politiques et la mise en œuvre des projets, l'équipe de 2015 du Secrétariat ne doit pas s'encombrer de considérations telles que la fragmentation ou l'allocation au coup par coup des ressources intra-ACP du FED.

Nous devons renforcer notre solidarité et la confiance en nous-mêmes en vue d’affronter les défis à venir.

La Déclaration sans équivoque adoptée par le 7e Sommet des chefs d'État et de gouvernement ACP tenu en décembre 2012 à Malabo en Guinée équatoriale nous conforte dans nos courageux efforts et doit dissiper les doutes qui persistent de toutes parts quant à l'avenir du Groupe ACP.

En effet, dans les paragraphes pertinents (64 et 65) de la Déclaration de Sipopo, nos dirigeants affirment ce qui suit:

"Nous sommes pleinement conscients et fermement convaincus qu'à ce stade critique de l'existence de notre organisation intergouvernementale et tricontinentale unique en son genre, la transformation et le renouvellement profond que nous appelons de nos vœux ne représentent plus aujourd'hui de simples options, mais des changements stratégiques impératifs dont nous ne pouvons plus faire l'économie"; et

"Nous fondant sur l'Accord de Georgetown, nous réaffirmons avec fermeté notre volonté de rester unis en tant que Groupe sur la base des valeurs de paix et de solidarité, d'unité d'action et d'identité qui nous caractérisent, et nous sommes résolus à poursuivre et à maintenir la pertinence et l'efficacité de notre Groupe en approfondissant et en renforçant les relations ACP-UE en tant que modèles d'accord Nord-Sud de coopération au développement, tout en développant et en diversifiant nos partenariats avec les pays du Sud et d'autres nations, dans le but d'éradiquer la pauvreté et de réaliser le développement durable dans nos pays".

Telles sont les paroles fortes exprimées de manière explicite et sans détour par les chefs d'État et de gouvernement de la famille ACP en 2012. Le mandat et la responsabilité de traduire ces paroles en actes constituent l’essentiel des tâches que je me suis engagé à entreprendre en acceptant mon élection à la tête du Secrétariat.

J’ai également bon espoir que ces paroles guideront les relations de travail collégiales avec le Comité des ambassadeurs, la prestation de services techniques et administratifs de haute qualité professionnelle par les différents départements du Secrétariat, ainsi que le renforcement de la qualité de la coopération avec les institutions de l'Union européenne, la Commission de l'Union africaine, les communautés économiques régionales et les organisations d'intégration régionale ACP.

A cet égard, la mise en place d’un mécanisme et des modalités efficaces permettant au Groupe d’entretenir des partenariats diversifiés avec l’ensemble des pays du Sud d’ici à 2020 constituera

une tâche toute particulière pour l’équipe dirigeante 2015-2020 et un défi crucial qui mobilisera l’énergie et le sens politique de l’ensemble des États membres. Cette approche impliquera de nouer des relations structurées et durables avec certains Chapitres du G77 et la Chine pour l’analyse commune des politiques, le renforcement des capacités et les actions à mener, et d'obtenir un statut d'observateur auprès du groupe des pays BRICS et des groupements transrégionaux similaires. Il nous faut éventuellement élaborer un mécanisme pour renforcer la coopération et les actions concertées avec des agences spécifiques du système des Nations Unies.

Ces objectifs peuvent sembler à juste titre trop ambitieux, si nous tentions de mener toutes ces actions à la fois avec les ressources financières limitées dont nous disposons. Nous adopterons plutôt une approche stratégique, en planifiant de manière judicieuse les actions à entreprendre afin qu’elles produisent des effets cumulatifs. A cet égard, un plan stratégique pour la période 2015-2018 sera élaboré en tenant compte des lignes directrices et de la feuille de route contenues dans le rapport final du groupe de travail des ambassadeurs sur les Perspectives d'avenir du Groupe ACP, qui a été approuvé par le Conseil des ministres en décembre 2014. La Direction du Secrétariat étudie avec attention le mécanisme approprié pour la mise en œuvre des conclusions de ce rapport.

Par ailleurs, étant donné qu’il compte en son sein 37 petits États insulaires en développement (PEID), le Groupe ACP est à juste titre bien placé pour jouer un rôle efficace dans la mise en œuvre de "La voie à suivre de Samoa", document final de la récente Conférence mondiale sur les PEID qui a été admirablement organisée par un de nos États membres, le Samoa.

Plus concrètement, je propose que le Groupe ACP institue un forum permanent sur les PEID , éventuellement en concertation avec le PNUD.

Un élément des recommandations du groupe de travail sur les Perspectives d’avenir qui mérite une attention urgente concerne le renforcement de la viabilité financière et la mobilisation des ressources du Groupe ACP. A cet égard, il est envisagé de créer un groupe de travail ad hoc sur la mise en place d'un Fonds de dotation pour le développement à long terme, et je suis encouragé par les réactions positives que j’ai recueillies lors des premières discussions avec certains ambassadeurs sur ce sujet.

Qu'il me soit permis de saisir également cette occasion pour annoncer que des mesures sont en cours pour mettre à la disposition du Président en exercice du Comité des ambassadeurs et, le cas échéant, du Président du Conseil des ministres, un bureau au sein de la Maison ACP. Ce bureau pourra paraître bien modeste, mais un espace plus approprié sera prévu dans un nouveau bâtiment ACP, où qu'il se trouve.

Je voudrais conclure en évoquant l'importance et l'urgence qu’il y a à tenir un 8e Sommet des chefs d'État et de gouvernement ACP.

En effet, quelle que soit l’utilité des initiatives proposées ci-dessus, la vision holistique et globale qui sous-tendra leur mise en œuvre efficace et efficiente doit recueillir l’approbation et l’adhésion de l'organe décisionnel suprême du Groupe ACP, à savoir le Sommet des chefs d'État et de gouvernement.

Monsieur le Président, permettez-moi donc de lancer un appel tout particulier, voire une supplique, pour que l’une de nos régions prospères se propose pour organiser le 8e Sommet ACP à un moment qui sera jugé opportun par le pays hôte potentiel.

Ce Sommet devra servir de balise pour affiner nos domaines d'intervention stratégiques pour la période 2020-2030, et doter le Groupe ACP d’une vision politique solide en vue de ses discussions avec l'Union européenne sur la forme que prendront leurs relations après Cotonou et les dispositions institutionnelles qui les accompagneront. Plus important encore, ce Sommet devra fournir l’engagement ferme sur le plan moral et financier que la confiance en soi acquise par le Groupe ACP au cours de ses quatre décennies d'existence permettra de renforcer notre capacité à nous affirmer davantage et à combler les attentes de nos populations, au moment où nous recherchons également d'autres partenaires au-delà de l'Union européenne.

Je voudrais conclure par ces paroles de tirées de Jules César de Shakespeare, citées récemment par l'éminent ambassadeur Nkosi d'Afrique du Sud :

"Le destin n'est guère dans nos astres, mais en nous".

Je vous remercie.

Dr. Patrick I. Gomes
Secrétaire général