Bruxelles, 29 septembre 2015/ CTA/ ACP: Le Briefing de Bruxelles consacré au thème « Femmes entrepreneurs – des acteurs clés dans le développement de l’agro-industrie ACP », s’est tenu fin septembre 2015, au Secrétariat du groupe des États d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP).

Cinq femmes (trois originaires d'Afrique subsaharienne, une de la région des Caraïbes et une du Pacifique) ont livré des témoignages passionnants sur la création et la gestion de leur entreprise agroalimentaire, et notamment sur les facteurs ayant contribué à leur succès et sur les difficultés rencontrées.
Organisés conjointement par le CTA, la DG DEVCO de la Commission européenne, le Secrétariat ACP et divers autres organismes, les Briefings de Bruxelles sur le développement mettent l'accent sur des problématiques et des défis clés liés au développement rural, dans le cadre de la coopération ACP-UE.
Les témoignages des entrepreneurs
Lovin Kobusingye, Kati Farms, Ouganda (photo ci-dessus)
Kati Farms fait le lien entre plusieurs centaines de petits pisciculteurs, dont une majorité de femmes, et des supermarchés, des hôtels, des restaurants et des vendeurs ambulants d'Ouganda. L'entreprise travaille également à l'exportation vers le Kenya, le Burundi et le Soudan. La directrice de Kati Farms, Lovin Kobusingye, a créé l'entreprise en 2011. Sa valeur est aujourd'hui estimée à près d'un demi-million USD. Elle affirme avoir obtenu ce remarquable résultat grâce à la création de nouveaux produits.
L'importance de l'innovation
Le produit phare de Mme Kobusingye est la saucisse de poisson : « Il me fallait un produit innovant pour pénétrer sur le marché » affirme-t-elle. Pendant huit mois, elle a travaillé à son développement, avec l'appui de l'institut ougandais de recherche industrielle (Uganda Industrial Research Institute). « Les gens me disaient que j'étais folle et que ce projet ne pouvait pas se matérialiser ici ». Mais en dépit du scepticisme initial, ces saucisses ont remporté un vif succès. Kati Farms compte aujourd'hui 38 employés (dont 80 % sont des femmes) et traite 1 500 kg de poissons par semaine. Les poissons sont transformés en samosas, en filets, en saucisses et en autres produits à valeur ajoutée.
Facteurs de réussite
Mme Kobusingye attribue sa réussite commerciale à plusieurs facteurs :
• La confiance des pisciculteurs qui l'ont approvisionnée à crédit à ses débuts
• La formation à la gouvernance d'entreprise, financée par Oxfam
• La création de produits innovants qui répondent aux besoins des générations actuelles
• L'obtention de récompenses en espèces, qui lui ont permis d'acquérir des équipements
• La participation à des foires, qui lui a permis d'élargir son réseau professionnel
Simone Zoundi, Sodepal, Burkina Faso
Sodepal est une entreprise de transformation alimentaire dont la mission est de lutter contre la malnutrition, que la Directrice Simone Zoundi décrit comme « le fléau du Sahel ». Á partir de produits tels que le millet, le miel et les fruits, Sodepal a créé une large gamme de denrées alimentaires à haute valeur nutritive, et notamment des gâteaux et des biscuits, des aliments pour bébés, des boissons et des confiseries. Au Burkina Faso, ces produits sont vendus en pharmacie, en supermarché et par les ONG. Sodepal exporte également vers les marchés voisins du Mali et du Niger.
Défis
Mme Zoundi a clairement établi les défis auxquels Sodepal, à l'image de nombre de petites et moyennes entreprises, est confrontée :
• Un marché sous-développé en raison de la pauvreté des ménages
• Un accès limité au crédit
• La fraude et la corruption
• L'approvisionnement énergétique peu fiable
Alberta Vitale, Women in Business Inc., Samoa
Alberta Vitale est directrice adjointe de l'entreprise samoane, Women in Business Inc (WIBDI). Elle a partagé son expérience de l'initiative « De la ferme biologique à la table » (Organic Farm to Table, OFT). Ce programme a créé une chaîne de valeur durable visant à soutenir plus de 60 petites exploitantes, par différents moyens :
• En encourageant les hôtels et les restaurants à utiliser des produits biologiques locaux
• En formant les chefs et en adaptant les menus en vue d'une meilleure utilisation des denrées alimentaires et de la cuisine locales
• En assurant un microfinancement et en dispensant des formations aux agriculteurs
• En approvisionnant ces derniers en semences et en plants
• En renforçant leur accès aux marchés
• En les aidant à obtenir une certification biologique
Produits et clientèle
OFT produit et exporte un large éventail de légumes, de fruits et de fines herbes, dont l'huile vierge de noix de coco, les bananes Fressinettes appelées aussi « Lady fingers », le café, le cacao et l'huile de Tamanu (un produit de haute valeur utilisé en cosmétique). Le contrat d'approvisionnement en huile vierge de noix de coco, conclu en 2007 avec Body Shop International, constitue un exemple remarquable de réussite. Parmi ses clients étrangers figurent également les entreprises néo-zélandaises All Good Organics et C1 Espresso.
Grâce à OFT, de nombreux petits exploitants bénéficient pour la première fois d'un revenu régulier. « Nous devons identifier les rôles dans lesquels les femmes se sentent à l'aise au sein de la chaîne de valeur », a confié Mme Vitale, souhaitant partager certains enseignements tirés de cette initiative. Elle a également souligné l'importance de développer de nouveaux produits.
Rosemund Benn, Association « Pomeroon Women’s Agro-Processor », Guyana
La Pomeroon Women’s Agro-Processor Association a été créée en 2001 pour répondre à deux problèmes constatés au niveau local. D'une part, d'énormes quantités de fruits locaux étaient gâchées en raison de l'absence de marché pour ces produits. D'autre part, de nombreuses femmes autochtones, et notamment des chefs de famille, n'avaient pas de travail rémunéré.
La présidente, Rosemund Benn, explique qu'à ses débuts, l'association était composée de 14 femmes qui approvisionnaient cinq boutiques locales en mélange à gâteau à base de carambole. Elle s'est par la suite développée, en partie grâce à l'appui d'organisations comme le Réseau caribéen des productrices rurales (Caribbean Network of Rural Women Producers, CaFAN). Aujourd'hui, elle achète les produits de plusieurs centaines de petits exploitants et fabrique une panoplie d'articles de marque, tels que des sauces et des vins de fruits. En outre, elle approvisionne les supermarchés de Georgetown, la capitale du Guyana, et plus d'une centaine de petits commerces. Depuis peu, elle exporte ses produits vers Saint-Vincent et Antigua.
Succès
Les exemples suivants comptent parmi les succès obtenus à ce jour :
• Le développement de la marque de l'association, Pomeroon Delight
• L'attribution d'un prix prestigieux remis par l'ONU pour son huile vierge de noix de coco en 2010.
• L'exportation d'huile vierge de noix de coco vers Saint-Vincent et Antigua.
Défis
L'association reste confrontée à des difficultés. La circulation des personnes et des marchandises dans une zone rurale reculée, où les bateaux sont souvent le seul moyen de transport possible, constitue un problème notoire. Malgré cela, de nombreux membres de l'association gèrent leurs propres entreprises, gagnent leur vie et collaborent, pour la première fois, avec des personnes extérieures à leur propre région. « Au début, j'étais très timide. Aujourd'hui, je pense pouvoir affronter le Président en personne ! », affirme Mme Benn en parlant de la confiance qu'elle a acquise grâce à son travail au sein de l'association.
Tepsy Ntseoane, Eve’s Eden, Afrique du Sud
Tepsy Ntseoane est la fondatrice et la directrice d'Eve’s Eden Farming Enterprise, une entreprise agroalimentaire située au sud de Johannesburg qui fournit les restaurants et les hôpitaux en viande bovine. Elle se décrit comme une « agricultrice intellectuelle » qui « étudie la terre ». Tout en pratiquant l'élevage du bétail, elle cultive et transforme son propre maïs fourrager, en dépit d'un manque d'équipement moderne. Mme Ntseoane est fière d'employer plusieurs travailleurs, assurant ainsi la sécurité financière de leurs familles. Elle a également mis en place le programme social « Développement rural de la province de Gauteng » (Gauteng Rural Development) pour lutter contre la pauvreté des femmes et des personnes handicapées. Ses projets de développement comprennent notamment la création d'un abattoir.
Émanciper les femmes
Il existe de nombreuses raisons pour lesquelles les agences de développement devraient soutenir l'émancipation économique des femmes. L'émancipation des femmes leur permet non seulement d'exploiter leur potentiel tout en faisant valoir leurs droits, mais elle constitue une stratégie primordiale pour réduire la pauvreté. Les témoignages de ces cinq femmes montrent qu'il existe de formidables opportunités de soutien à apporter aux femmes du secteur agroalimentaire des pays ACP. Cliquez sur les liens suivants pour en savoir plus sur le sujet.
Ressources
Lire l'article (uniquement disponible en anglais) sur l'émancipation économique des femmes dans les pays ACP
Lisez le dossier spéciale du magazine Spore Des femmes écoutées et décisionnaires
Regardez les vidéos
L'entrevue vidéo avec Alberta Vitale, directrice adjointe de l'entreprise samoane, Women in Business Inc (WIBDI).
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