Préambule

Nous, Ministres en charge du commerce des États membres du Groupe Afrique, Caraïbes et Pacifique (ACP), réunis à Bruxelles du 19 au 21 octobre 2015 pour, entre autres, faire le point sur la préparation de la dixième Conférence ministérielle de l’OMC (CM10) prévue à Nairobi et proposer des orientations politiques à nos États membres ;

Rappelant les déclarations ministérielles de l'OMC adoptée à Doha en 2001, à Hong Kong en 2005 et à Bali en 2013 ainsi que la décision du Conseil général adoptée le 1er août 2004 et les orientations données par les Ministres lors de la huitième Conférence ministérielle de l’OMC de 2011;

Rappelant et réaffirmant toutes les déclarations ACP adoptées depuis 2001, lors des précédentes Conférences ministérielles de l’OMC ainsi que les conclusions respectives des réunions des Ministres du commerce ACP et G90 et les positions des ACP sur les questions de négociation ;

Soulignant le besoin d’attention prioritaire pour les Pays les moins avancés (PMA) afin de faciliter leur intégration totale dans le système commercial multilatéral ;

Soulignant par ailleurs que le Groupe ACP comprend des pays en développement, y compris, mais pas uniquement, des PMA, des petits Etats insulaires en développement (PEID), de petites économies vulnérables (PEV), des pays en développements sans littoral (PDSL), des pays dont l’économies dépend de préférences tarifaires, des pays en développement importateurs nets de produits alimentaires (PDINPA), des pays à faible revenu (PFR), des pays à revenu intermédiaire, des pays pauvres très endettés (PPTE), pays à revenu moyen très endettés; des pays exportateurs de matières premières limitées, pays en guerre, en situation de post-conflit ou post-catastrophe naturelle;

Rappelant en outre les modalités d’action accélérées des PEID (Samoa, La Voie à suivre) issues de la troisième Conférence internationale sur les PIED;

Préoccupés par certaines propositions introduites dans les négociations, qui pourraient diminuer les objectifs de développement du Programme de Doha pour le Développement (PDD);

Préoccupés également par le risque d’érosion des gains réalisés, à la suite du reclassement de certains de nos États membres ;

Insistant sur le besoin pour les Membres du Groupe des Etats ACP d’obtenir une part significative du commerce mondial, et d’accroitre leur compétitivité ;

Reconnaissant l’importance de programmes ciblés et durables d’assistance financière, technique et de renforcement des capacités pour soutenir le Groupe des Etats ACP dans la mise en œuvre d’accords, en s’ajustant au processus de réforme et de leur permettre de bénéficier des opportunités découlant de telles réformes;

Déterminés à poursuivre le travail en vue d’une conclusion du PDD en prenant pleinement en compte les objectifs de développement énoncés dans la déclaration de Doha et les accords de Marrakech établissant l’OMC;

Adoptons par la présente la position commune détaillée ci-après dans le contexte de la dixième Conférence ministérielle de l’OMC (CM10) de Nairobi, ainsi que par la suite:

Principes

1. Nous réaffirmons la volonté du Groupe des États ACP de continuer son engagement constructif dans la recherche d’un résultat significatif lors de la dixième Conférence ministérielle de l’OMC (CM10) de Nairobi, et que cette volonté repose sur l’adoption des principes suivants:

a. Les décisions sont prises à travers un processus transparent, participatif, basé sur le consensus et à l'initiative des membres ;

b. Un accord sur l'ensemble de mesures en faveur du développement qui prend en compte les préoccupations et les intérêts de tous les États ACP;

c. L'affirmation que les objectifs de développement du PDD dans tous les aspects des résultats concernant les négociations, y compris le traitement spécial et différencié et la réciprocité qui ne soit pas totale; et

d. Un accord à Nairobi réaffirmant l’engagement des Membres de l’OMC à conclure le PDD conformément à son mandat de développement.

Décisions relatives au Développement pour Nairobi

2. Nous invitons instamment les Membres à adopter les propositions suivantes à Nairobi, en faveur des pays en développement et soumis par ces derniers:

(i) Un accord ministériel confirmant que les flexibilités en faveur des PMA et PEV convenues à ce jour seront maintenues et serviront de point de départ aux négociations futures sur l’agriculture et l'AMNA, et confirmant l’inclusion de flexibilités en faveur des pays membres d’une union douanière;

(ii) Confirmation que les pays en développement Membres dont la portée des consolidations des lignes tarifaires pour les produits non-agricoles[1] est faible ne seront pas tenus de consentir des réductions tarifaires, mais uniquement d’accroître la portée de leurs consolidations, conformément aux objectifs visés dans le Rév. 3;

(iii) Confirmation que le niveau d’ambition de toute flexibilité sera ajusté de manière proportionnelle au niveau d’ambition des négociations dans leur ensemble;

(iv) Confirmation ministérielle des flexibilités convenues pour les pays en développement, dans les négociations des services mentionné dans l'AGCS – Articles IV et XIX; les lignes directrices et procédures pour les négociations sur les services, et l'annexe C de la déclaration ministérielle de Hong Kong y compris celles spécifiques aux PMA; qui ne contient aucune réciprocité dans le contenu des offres et procédures et la réaffirmation qu’aucune nouvelle approche ne devra porter préjudice à ces flexibilités;

(v) Des décisions concrètes et exécutoires dans les domaines mis en avant par les PMA;

(vi) Décisions contraignantes en vertu du paragraphe 44 de la déclaration de Doha portant sur les vingt-cinq propositions spécifiques soumises par le G90[2] concernant un accord sur le traitement spécial et différencié ;

(vii) Une décision sur le traitement des aspects relatifs aux subventions pour la pêche ayant un impact sur la sécurité alimentaire des pays en développement, et les ressources halieutiques, tel que mentionné dans le document JOB/TNC/46, qui représente un ensemble de mesures minimum pour le développement et qui chercherait à atteindre ces objectifs déterminés dans l'agenda 2030 pour les objectifs de développement durable(ODD 14), tout en garantissant également que ces disciplines ne cantonnent pas les petits pays en développement, en particulier les PEID, pour lesquels les pêcheries sont primordiales et dont la croissance ne sera pas possible sans subventions, à une pêche artisanale et à petite échelle;

(viii) L'engagement sur le fait que l'application des flexibilités en faveur des pays en développement, et qui ne sont pas liées à la formule progressive pour l’accès aux marchés des produits agricoles, soient maintenues;

(ix) Un accord sur l'extension de la période de transition en vertu de l'article 66.1 de l'accord de l'ADPIC pour les membres des PMA pour certaines obligations sur les produits pharmaceutiques qui expire en décembre 2015 et les dérogations des articles 70.8 et 70.9 requis par le Groupe PMA dans le document IP/C/W/605 ;

(x) Une décision concrète et contraignante sur le coton;

(xi) Une réduction substantielle du soutien interne ayant un effet de distorsion sur le commerce, en particulier par les pays développés;

(xii) Une nouvelle définition des différents objectifs de réduction tarifaire devrait être déterminée pour les pays développés, les pays en développement et les PEV selon les principes de traitement spécial et différencié et de réciprocité moins que totaleet confirmant que les PMA soient exemptés de réductions tarifaires;

(xiii) Un accord sur les propositions du G33 pour les procédures d'opérationnalisation du mécanisme spécial de sauvegarde qui a été convenu lors de la session de juillet2004;

(xiv) Un accord sur les produits spéciaux; et

(xv) L'examen de tous les obstacles non tarifaires sur les marchés des pays développés ayant un impact sur les exportations des pays en développement.

Autres aspects des négociations du PDD

3. Nous demandons aux Membres d’affirmer leur engagement pour la mise en œuvre du PDD et des mandats y afférent, en particulier dans les domaines qui sont d’importance pour les exportations en provenance des pays en développement.

4. Nous soulignons que les futures négociations sur les réductions tarifaires dans le domaine de l’agriculture et de l’AMNA devront se faire en parallèle de réductions significatives du soutien interne et que des flexibilités devront être accordées aux pays en développement, notamment les PMA et les PEV.

Agriculture

5. Nous reconnaissons que l'agriculture revêt une importance cruciale pour les économies de la majorité des Etats ACP et réitérons donc que le traitement spécial et différentié pour les pays en développement doit être un élément à part entière des négociations agricoles en prenant compte des éventuels effets négatifs dans la non mise en œuvre des engagements de la part des pays développés sur les Etats ACP.

6. En terme de soutien interne, nous réitérons l’importance que nous attachons à une réduction significative du soutien interne global ayant des effets de distorsion des échanges (SGEDE) et des mesures globales de soutien (MGS) et à un renforcement des disciplines pour éviter le glissement des aides d’un catégorie à l’autre. Les MGS et les flexibilités de minimis pour les pays en développement, en particulier pour les PMA, PEV, PDINPA, conformément au Rév.4 doivent être préservées, et l’intégralité de l’Article 6.2 de l’Accord sur l’Agriculture doit être maintenue.

7. Concernant la concurrence à l’exportation, tel que prévu dans le Rev4; nous réitérons notre soutien au principe d’une élimination progressive et parallèle de toutes les formes de subventions à l'exportation et des mesures d'exportation ayant un effet équivalent, y compris dans le secteur de l'aide alimentaire, tout en prenant en compte les problèmes rencontrés par les pays en développement, et demandons instamment que soient maintenues les flexibilités envisagées dans les textes existants, notamment celles en faveur des PMA et des PEV.

8. Concernant la détention de stocks publics à des fins de sécurité alimentaire, nous appelons les membres à travailler sans délai afin de trouver une solution permanente appropriée.

Accès aux marchés pour les produits non-agricoles (AMNA)

9. Nous réaffirmons la nécessité de préserver, dans le cadre des négociations sur l’accès aux marchés des produits non agricoles, au minimum les flexibilités essentielles prévues dans le Rév.3 prenant pleinement en compte les priorités de développement des Etats ACP, et la nécessité d’exempter les PMA de toute obligation en matière de réduction tarifaire. En ce qui concerne la formule actuelle de réduction tarifaire pour l’AMNA – la formule Suisse – nous notons que bon nombre de membres de l’OMC, y compris les pays ACP, l’ont jugée non faisable.

10. A ce sujet, nous rappelons que tout accord devra traiter la question de l’érosion des préférences.

11. Au cours des négociations à venir, nous demandons à ce que toute réduction tarifaire des pays en développement Membres qui font partie d'une union douanière entre pays en développement englobant d’éventuels PEV et PMA, ne soit pas supérieure à la réduction tarifaire moyenne de l’ensemble des autres membres de l’union douanière et n'aboutisse en aucun cas àl’application de tarifs définitifs se situant à un niveau inférieur au tarif extérieur commun. Les engagements en matière de réductions tarifaires devraient être modérés pour éviter que des divergences se creusent dans les consolidations tarifaires parmi les membres d’une même union douanière.

12. Concernant les obstacles non tarifaires, les membres de l’OMC devraient éviter d’imposer des mesures sur le commerce des pays en développement en particulier les PMA et les PEV qui constituent des barrières au commerce discriminatoire et non nécessaires. L’assistance technique devraient également être fournis pour appuyer les initiatives des pays en développement visant à satisfaire ou répondre aux standards pertinents et autres obstacles non tarifaires.

Services

13. Le Groupe des Etats ACP a identifié une liste non exhaustive de secteurs et fournitures d'intérêt pour nos membres dans le document JOB/TNC/46.

14. Nous rappelons que les Membres sont libres de décider eux-mêmes comment procéder sur leurs propres offres, compte-tenu de leurs objectifs de développement et des offres des autres Membres. Parallèlement, nous réitérons les principes clés et les flexibilités entérinés dans l’Accord général sur le commerce des services (AGCS), les lignes directrices et procédures, et la déclaration ministérielle de Hong Kong et son Annexe C.

15. En matière de règlementation intérieure, nous rappelons que les pays en développement peuvent, à leur discrétion, décider de prendre ou non de nouveaux engagements, en vertu de leur droit de règlementation et en fonction de leurs objectifs de développement. Afin de faire progresser la dimension développement du PDD, les pays développés Membres devraient prendre des engagements concernant les prescriptions et procédures en matière de qualifications afin de faciliter l’accès aux marchés des services des pays en développement. Nous appelons également les Membres à réaffirmer le principe selon lequel les PMA ne seront pas tenus de prendre quelconque engagement nouveau.

Les négociations sur les aspects des droits de la propriété intellectuelle qui touchent au commerce

16. Le Groupe ACP maintient son soutien pour les négociations sur l'ADPIC sur la base des propositions contenues dans TN/C/W/52.

Pays les moins avancés

17. Nous invitons les Membres à prendre note du fait que la part des PMA dans le commerce mondial des marchandises et des services est marginale, et que ces pays accusent un déficit courant considérable. En conséquence, nous soulignons le besoin d’apporter des décisions donnant une valeur ajoutée et exécutoires basées sur les propositions du Groupe PMA, à prendre lors de la dixième conférence ministérielle de l’OMC (CM10) à Nairobi comme question de priorité vis-à-vis d’une meilleure intégration et plus réelle des PMA dans le système commercial multilatéral.

Travail régulier de l'OMC

18. Tous les mandats de l'OMC touchant des domaines intéressant le Groupe des États ACP doivent être redynamisés, en particulier la composante liée au développement dans tous les programmes de travail en cours et les délibérations dans les comités et Groupes de travail de l’OMC concernés.

Petites économies vulnérables

19. Nous réaffirmons le paragraphe 35 de la Déclaration de Doha et le paragraphe 41 de la Déclaration ministérielle de Hong Kong. Nous encourageons les Membres de l’OMC à continuer de traiter, de manière substantielle et significative, les désavantages structurels particuliers et vulnérabilités inhérentes aux petites économies vulnérables et appelons à consacrer une attention toute particulière aux priorités des PEV dans tous les secteurs de négociations pour assurer leur future intégration dans le système commercial multilatéral. Nous réaffirmons que l’OMC doit tenir ses engagements en matière de flexibilités pour les PEV comme partie intégrante de tout résultat en matière de développement.

Adhésions

20. Nous saluons la récente accession à l’OMC d’un des Etats membres ACP, la République des Seychelles, ainsi que la finalisation des négociations d’accession du Libéria, autre Etat membre des ACP.

21. Les États ACP en voie d’accession devraient faire des concessions qui soient compatibles avec leur taille, leurs besoins en matière de développement et les règles et normes de l’OMC en vigueur. Nous invitons instamment l’OMC et les pays développés à mobiliser une assistance technique et des ressources afin d’appuyer les États ACP en voie d’accession dans le processus de négociations. De plus, nous saluons l’adoption de la décision du Conseil Général du 25 juillet 2012 sur l´adhésion des PMA visant à renforcer, simplifier et rendre opérationnelles les orientations de 2002 sur l’adhésion des PMA en vertu de la décision prise lors de la huitième Conférence ministérielle de 2011.

Cadre intégré renforcé pour les PMA

22. Le Groupe des Etats ACP accueille favorablement le lancement de la seconde phase du cadre intégré renforcé (CIR) le 1er juillet 2015, ainsi que l'organisation de la conférence des donateurs du CIR qui se tiendra pendant la dixième conférence ministérielle de l’OMC (CM10) de Nairobi. A cet égard, nous invitons les donateurs à se présenter avec des engagements substantiels à Nairobi.

Aide pour le commerce

23. Nous reconnaissons les engagements de certains bailleurs à maintenir leurs efforts en matière d’aide. Nous demandons instamment aux bailleurs de poursuivre leur soutien aux efforts de nos membres pour s’intégrer au système commercial multilatéral, en orientant l’aide pour le commerce vers les domaines hautement prioritaires identifiés par les bénéficiaires, y compris les infrastructures, les capacités de production, le financement du commerce, la connectivité et les coûts d’ajustement. Cette assistance devrait prendre la forme de nouveaux financements, sans pour autant réduire l’aide bilatérale dans d’autres domaines, et s’inscrire dans la durée.

24. Nous sommes vivement préoccupés par le risque d’érosion des gains réalisés, à la suite du reclassement de certains de nos États membres. Nous appelons en conséquence à l’abandon des statistiques fondées sur le revenu par habitant comme critère unique pour déterminer l’éligibilité à l’aide pour le Commerce pour les Membres de l’OMC et recommandons l'utilisation de critères différents.

Autres points à l’ordre du jour de la dixième Conférence ministérielle del’OMC (CM10) de Nairobi

25. Nous soutenons la prorogation lors de la CM10 à Nairobi, de la décision de maintenir la pratique actuelle qui est de ne pas imposer des droits de douanes sur les transmissions électroniques, jusqu’à la prochaine Conférence ministérielle de l’OMC et saluons les efforts consentis pour prolonger le programme de travail sur le commerce électronique, en prenant en compte spécifiquement la situation des pays en développement, en particulier les PMA, les membres et les pays les moins connectés. A cet égard, nous invitons également à la reconnaissance des principes de non-discrimination, de prédictibilité et de transparence.

26. Nous appelons tous les membres de l’OMC à convenir à Nairobi de rendre permanent le moratoire sur l'application des sous-paragraphes 1(b) et 1(c) de l’Article XXIII du GATT 1994 sur les plaintes en situation de non-violation (PSNV) des accords ADPIC.

Dixième conférence ministérielle de l’OMC (CM10) de Nairobi

27. Nous soulignons l’importance de la dixième Conférence ministérielle de l’OMC (CM10) de Nairobi et nous réjouissons de ce fait de participer activement et de manière constructive aux délibérations de la Conférence. En outre, nous invitons les Membres à veiller à ce que toute proposition de déclaration ministérielle en vue de la Conférence soit élaborée de manière transparente, inclusive et selon un processus consensuel.

Les travaux Après Nairobi

28. Nous demandons aux Membres de réaffirmer, lors de la conférence de Nairobi, les déclarations ministérielles et les décisions du Conseil général concernant les mandats de Doha afin de traiter les questions encore non résolues du PDD, avec le développement comme composante clé.

29. Nous demandons également instamment aux Membres de faire en sorte que toutes les questions non résolues dans le cadre du mandat du PDD relatif au développement soient traitées après Nairobi et aboutissent à des résultats spécifiques en matière de développement, afin de permettre la conclusion du PDD le plus tôt possible.

30. Nous invitons instamment la dixième Conférence ministérielle de l’OMC (CM10) de Nairobi à prendre dûment en considération la présente déclaration.

Fait à Bruxelles, le 21 octobre 2015

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[1] Dont la portée des consolidations des lignes tarifaires pour les produits non-agricoles est inférieure à 35%.

[2] Groupe qui rassemble les Groupes ACP, Afrique et PMA.