L'Assemblée parlementaire du Groupe des États d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP), réunie en sa 35ème session à Strasbourg (France) le 14 et 19 mars 2014

Vu la résolution du Parlement européen du 13 mars 2014 demandant que des consultations soient engagées en vue de suspendre l'Ouganda et le Nigeria de l'Accord de Cotonou, à la suite de récentes lois criminalisant davantage l'homosexualité dans ces deux pays;

Vu la résolution relative aux défis concernant la conciliation démocratique des diversités ethniques, culturelles et religieuses dans les Etats ACP et de l'UE, adoptée par l'Assemblée parlementaire paritaire ACP-UE à Prague le 4 avril 2009 (ACP-EU/100.460/09/fin);

  1. Considérant que 76 pays dans le monde considèrent l'homosexualité comme un délit qui, dans cinq d’entre eux, est passible de la peine de mort;
  1. Considérant que l'un des principes démocratiques fondamentaux universellement reconnus consiste à accepter des opinions divergentes sur les questions de principe, et que la démocratie et les droits de l'homme n'autorisent pas l'imposition par un État d'un point de vue unilatéral sur un autre État souverain;
  1. Considérant que les lois adoptées par l'Ouganda et le Nigeria ont été proposées par des parlements démocratiquement élus, et dans le respect de toutes les procédures législatives en vigueur, notamment des consultations auprès d'un échantillon représentatif de leurs populations;
  1. Conscient de la nécessité de respecter l'État de droit ainsi que le droit des gouvernements souverains et de leurs institutions démocratiques, notamment les institutions législatives, à prendre en compte et à respecter la volonté de leurs peuples;
  1. Considérant qu'un certain nombre d'États membres de l'Union européenne, dont les Pays-Bas, le Danemark et la Suède, ainsi que d'autres pays tels que les États-Unis d'Amérique et la Norvège, ont décidé de suspendre leur aide au gouvernement d'Ouganda ou de réorienter celle-ci au profit de la société civile;
  1. Considérant que l'homosexualité est déjà punie en Ouganda de 14 ans d'emprisonnement, en vertu de l'article 145 du Code pénal promulgué par le gouvernement colonial britannique et, au Nigeria, de 7 ans d'emprisonnement conformément à l'article 214 du Code pénal promulgué par le même gouvernement colonial britannique;
  1. Considérant que le droit d'une société à déterminer ses propres valeurs et normes morales doit être considéré comme un droit humain fondamental en vertu du principe de souveraineté;
  1. Rappelant que les pays ACP ont toujours respecté le droit de l'Union européenne et celui d’autres pays à définir et à défendre leurs propres valeurs et normes culturelles, et à adopter des législations dans ce domaine, comme celles interdisant la polygamie qui est en revanche autorisée dans de nombreux États ACP;
  1. Considérant les évolutions récentes montrant que les pays ACP ont exercé leur droit démocratique à défendre leurs valeurs et traditions culturelles en tant que fondements de leur développement social et éthique, tandis que les États occidentaux se sont employés, au nom de leur conception de la démocratie et des droits de l'homme, à faire pression sur ces pays afin qu’ils ignorent la volonté exprimée par la majorité de leurs populations;
  1. Déplore l’application délibérée de deux poids et deux mesures pour traiter des questions liées à la démocratie et aux droits de l'homme, comme le montre la réaction du Parlement européen au sujet de l'orientation sexuelle et de l'homosexualité dans les pays ACP;
  1. Rappelle que ces questions ne suscitent pas de polémique au sein des populations ACP, qui coexistent avec ces différences sur la base d’un comportement social défini et des normes acceptables de décence;

  1. Réitère son rejet de toute tentative de pression sur les pays ACP pour qu’ils acceptent des valeurs contraires aux souhaits et aux aspirations de leurs populations, et considère que ces tentatives de l'Union européenne vont à l'encontre des valeurs de démocratie parlementaire qu’elle défend, et n’ont aucun rapport avec l’Accord de partenariat de Cotonou

  1. Regrette que certains pays ACP subissent des sanctions pour avoir respecté et défendu des normes généralement acceptables dans leur société;

  1. Recommande instamment à l'UE d’accepter qu’à l’heure actuelle, il n’existe pas de terrain d’entente entre elle d’une part, et l’Ouganda et le Nigéria d’autre part, sur la question de l'orientation sexuelle et de l'homosexualité;

  1. Invite l’UE à respecter les processus démocratiques des États souverains, à s’abstenir de prendre toute mesure susceptible de miner les fondements de son partenariat de développement avec le Groupe ACP, dont notamment la réalisation des objectifs de développement durable et d’éradication de la pauvreté, et à éviter de lier la question de l’orientation sexuelle et de l’homosexualité à celles de l’aide au développement et de la coopération;

  1. Charge son Président de transmettre la présente résolution à l'Assemblée parlementaire paritaire ACP-UE, au Parlement panafricain, à la Commission européenne, au Conseil de l’Union européenne, au Parlement européen, aux Parlements et Gouvernements nationaux ACP et, en particulier, aux Gouvernements, aux Parlements et aux Présidents d'Ouganda et du Nigeria, ainsi qu’à l’Union africaine.

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