Buenos Aires, 14 décembre 2017/ ACP: Les discussions en vue d'un document final lors de la onzième conférence ministérielle (CM 11) de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) se sont soldées par un échec, en dépit des meilleurs efforts déployés par la Présidente, l’Ambassadeur Susana Malcorra (Argentine), pour amener les États membres à s’accorder sur une déclaration ministérielle a minima.
Aucun accord majeur n’est intervenu à cette occasion, bien que des décisions aient été adoptées concernant les droits liés au commerce électronique et les micros, petites et moyennes entreprises (MPME), et que les membres se soient engagés à conclure les négociations sur les subventions à la pêche lors de la prochaine réunion ministérielle prévue en 2019.
Prenant la parole devant les représentants des 165 pays membres lors de cette Conférence qui est l’un des sommets commerciaux les plus importants au monde, le Directeur général de l’OMC, M. Roberto Azevedo, a reconnu que les résultats de la CM 11 étaient «décevants».
« Nous ne pouvons pas obtenir des résultats à chaque Conférence ministérielle. Les réunions ministérielles ne débouchent pas toutes sur des accords aussi importants que ceux que nous avons trouvés à Bali et à Nairobi (lors de la 9e et de la 10e Conférence ministérielle, respectivement)…. Nous savions que pour pouvoir progresser, les positions des Membres devaient évoluer. Cela n’a pas été le cas », a-t-il expliqué lors de la cérémonie de clôture.
Ce résultat était en partie attendu dans la mesure où les discussions menées, au cours des deux dernières années, entre les représentants basés à Genève n’avaient pas pu déboucher sur un projet de déclaration ministérielle avant le début de la CM 11. Trois jours de tiraillements politiques à Buenos Aires n’ont pas suffi à faire évoluer les positions, et les États-Unis ont asséné le coup de grâce en rejetant un ultime projet de déclaration proposé à la veille de la fin des travaux.
« Le problème est que certains pays ont des positions tranchées ; or, si nous ne sommes pas disposés à faire preuve de flexibilité, nous ne parviendrons à aucune solution valable », a déploré la Ministre des Affaires étrangères de la Barbade, la Sénatrice Maxine McClean, Coordonnatrice et porte-parole par intérim du Groupe ACP à la CM 11.
Pour la soixantaine de Membres provenant d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique, qui forment ensemble le groupe de négociation ACP, la lutte devra donc se poursuivre afin d’obtenir des règles commerciales mondiales qui bénéficient autant aux nations les plus pauvres qu’aux acteurs plus puissants.
En outre, cette situation a poussé les pays ACP à envisager des stratégies parallèles pour accroître leur faible part du commerce mondial, qui représente actuellement moins de 2% des échanges internationaux.
Le multilatéralisme remis en question
En plus des positions rigides, les pays ACP sont confrontés au désintérêt croissant des puissances économiques à s’engager sans réserve en faveur d’un système permettant aux 165 Membres de participer sur un pied d’égalité à la définition des règles.
Il est notoire que la recherche d'un consensus à l’OMC est une tâche ardue, et que certains Membres préfèrent conclure des accords avec un ou plusieurs pays à la fois.
Toutefois, la Sénatrice McClean a prévenu: « le centre d’intérêt des règles commerciales multilatérales semble être relégué au second plan des efforts déployés par certains pays développés qui privilégient les accords bilatéraux. Je pense qu’une telle approche est préjudiciable à plusieurs égards pour les pays ACP et, plus généralement, pour les pays en développement ».
«Étant donné qu’il existe une réelle asymétrie en termes de puissance commerciale, notre meilleur espoir réside dans un régime commercial mondial et transparent permettant de remédier aux véritables difficultés auxquelles nous sommes confrontés en tant que pays en développement », a-t-elle ajouté.
En effet, l’impasse des pourparlers menés à Genève dans la perspective de la CM 11 portaient notamment sur deux questions essentielles, à savoir : la réaffirmation de l’Accord de Marrakech préconisant un système commercial multilatéral basé sur des règles ainsi qu’un « traitement spécial et différencié » en faveur des pays en développement afin de promouvoir leur industrialisation et leur transformation structurelle ; et le développement, tel qu’énoncé dans le programme de développement de Doha (PDD), dont l'objectif fondamental consiste à améliorer les perspectives commerciales des pays en développement.
Certains pays développés ont refusé de réaffirmer ces principes, appelant plutôt à un réexamen de la définition du terme « développement » et d’autres réformes clés à apporter à l’OMC.
Ainsi, l’Ambassadeur américain Robert Lighthizer a déclaré lors de la plénière: « Il est important de clarifier notre compréhension de la notion du développement au sein de l’OMC… De notre point de vue, il est anormal que cinq des six nations les plus riches du monde revendiquent, comme c’est le cas actuellement, le statut de pays en développement ».
Groupe ACP: approches parallèles pour le futur
C’est pourtant aux mêmes principes convenus à Marrakech et à Doha que le Groupe ACP adhère fondamentalement.
« L’idée de vouloir mettre de côté les accords que nous avons conclus à Doha n’est pas de nature à nous réconforter… Nous ne pouvons pas abandonner ce qui constitue le fondement de nos actions», a souligné la Sénatrice McClean.
«Pour ma part, j’estime que deux approches parallèles sont possibles – essayer d’honorer les engagements que nous avons souscrits et identifier, ce faisant, les ajustements éventuels à effectuer. En tout état de cause, nous ne pouvons pas renoncer à ces engagements ».
S’agissant de l’avenir, Mme McClean reconnaît qu’en plus des actions menées sous l’égide de l’OMC, les pays ACP doivent également rechercher d’autres stratégies pour renforcer leurs échanges commerciaux.
« Dans le cadre du Groupe ACP, nous possédons la capacité d'initier des activités au niveau intra-ACP, et nous devons nous y atteler. Je reste persuadée que tout en œuvrant à remédier à la situation qui prévaut à l’OMC, nous devons également réfléchir au moyen de renforcer nos propres relations commerciales », a-t-elle indiqué. « Il existe une demande et une capacité à cet égard. Nous savons quelles sont les contraintes, et nous devons dès lors nous employer à les surmonter».
Cette position va dans le sens d’une récente décision du Conseil des ministres ACP, étayée par une étude de la CNUCED sur la question.
A Buenos Aires, la Sénatrice McClean a lancé un dernier appel à ses collègues Ministres et aux négociateurs pour que, de leur retour dans leurs capitales respectives et à Genève, ils examinent de manière approfondie les moyens d’accroître le commerce dans et entre les pays ACP.
Les discussions devraient démarrer au cours du premier trimestre de 2018 afin d'identifier les stratégies pour l’avenir.
(Photo: La Sénatrice Maxine McClean, Ministre des Affaires étrangères de la Barbade et porte-parole par intérim du Groupe ACP, lors de la onzième Conférence ministérielle de l’OMC).
Josephine Latu-Sanft, Attachée de presse au Secrétariat ACP